4. Étalonnage à température d'équilibre constante et identique pour les étalons et les solutions à mesurer

Les contraintes ne sont pas les mêmes selon que l'on souhaite étalonner pour des mesures réalisées à température constante et avec des étalons et des essais équilibrés à cette même température constante. Ou selon que l'on doive étalonner pour des mesures qui seront réalisées à des températures variées différentes des températures d'étalonnages.

On peut traiter du comportement au pH de la chaîne de mesurage à électrode de verre en restant assez éloigné de toute justification théorique du fonctionnement de l'électrode de verre. C'est ce qu'on va faire dans la suite pour expliquer comment étalonner un pHmètre à température d'équilibre constante et identique pour les étalons et les solutions à mesurer.

Les "touches de fonction" qui permettent d'étalonner un pH-mètre portent souvent l'appellation "cal" ou "calibration". En activant ce lien, quelques explications sur les mots étalonnage et calibration ...


Contentons nous (pour ce paragraphe) d'une description purement pratique du comportement de la chaîne de mesurage à température constante (en dehors de toute justification théorique).

Soit E la différence de potentiel mesurée aux bornes de la chaîne de mesure (c'est à dire la tension mesurée entre l'électrode de mesure et la référence externe). Soit pHx le pH de la solution à mesurer. On constate (aux pH non extrèmes):

$$ E ~=~A_T-\beta \frac {RTln(10)}{F} pH_x $$

- AT est un coefficient qu'on peut admettre comme constant, pour une série de mesures, pour une température donnée, et si on néglige les variations du potentiel de jonction en fonction des compositions des solutions à mesurer ;
- β est un coefficient caractéristique de la chaîne de mesurage sur une période donnée (évoluant avec "l'usure" de l'électrode, stable en général sur de nombreux jours ) proche de 1 (généralement >0,98) ;
- R constante des gaz parfaits en J mol-1 K-1 (8,32) ;
- T température absolue en K ;
- F faraday en C (96500 C).

ph_3-f1.svg

Pour une température donnée, la fonction E=f(pHx) est une fonction affine (droite).
AT est l'ordonnée à l'origine. AT est dépendant de l'état de la chaîne de mesurage à un moment donné et de la température.
β R T ln(10) / F est le coefficient directeur de la fonction. Il dépend de la température. Plus β est proche de 1, plus le comportement se rapproche du comportement "idéal" de Nernst. β est dépendant de l'état de la chaîne de mesurage à un moment donné.

Pour mémoire, à 25°C, R T ln(10) / F = 59,2 mV. Ce qui signifie que E diminue de 59,2 mV quand le pH augmente de 1 unité, à 25°C, pour un comportement de Nernst idéal.

 

Pour étalonner il faudra donc utiliser 2 étalons de pH. En effet, avec 2 points on connaît l'équation d'une droite. La règle est de choisir 2 étalons qui encadrent les pH à mesurer.

 

Certains ensembles pH-mètres proposent des "calibrations" rapides dites "1 seul point". Comme le signalent certains fabricants, ces ajustages utilisent la mise en mémoire de la dernière valeur connue de β  pour la chaîne de mesurage. Les évolutions de  β  sont réelles (par exemple β = 0,995 avec l'électrode neuve peut tomber vers 0,8 avec "l'usure"), il faut donc être prudent avec les "calibrations" rapides à "1 point".


En fait notre affaire d'étalonnage est bien plus complexe que ça. Et la théorie de la chaîne de mesurage montre que A dépend (entre autres...- rendez-vous aussi au menu n° 5 à gauche - ...) du potentiel de jonction qui se forme au niveau de la jonction électrolytique entre l'électrode de référence interne et la solution à mesurer. Or la valeur exacte de ce potentiel de jonction dépend du pHx et de la composition exacte de la solution à mesurer ! Il est donc plutôt du domaine de l'inconnu (et même non prédictible par aucune théorie) ! Pour des solutions pas trop alcalines, pas trop acides, à forces ioniques pas trop élevées ni trop faibles, les variations sur le potentiel de jonction sont de l'ordre du mV. On se trouve là face à une limite ultime de l'exactitude des mesures avec le système étudié. Si on compare 1 mV à la pente idéale de 59,2 mV à 25°C, on trouve une incertitude non réductible de 0,017 (unité pH). Il ne faut donc pas penser pouvoir mesurer des pH avec une incertitude meilleure que +/- 0,02 avec des chaînes de mesurage classiques à électrode de verre.

 

échantillon

valeur du potentiel de jonction
cas d'une jonction liquide à KCl saturé

HCl 1 mol/L

14,1 mV !!!

HCl 0,1mol/L

4,6 mV

HCl 0,001 mol/L

3,0 mV

KCl 0,1 mol/L

1,8 mV

étalon pH 4,01

2,6 mV

étalon pH 7,00

1,9 mV

étalon pH 10,01

1,8 mV

NaOH 0,01 mol/L

2,3 mV

NaOH 0,1 mol/L

-0,4 mV

NaOH 1 mol/L

-8,6 mV !!!


Conclusion du tableau : pour des mesures à des pH extrêmes, ou à des forces ioniques très faibles ou très élevées, il y a lieu de se renseigner précisément pour savoir quels types d'électrodes et d'étalons permettront de travailler avec des potentiels de jonctions à peu près constants pour éviter de grosses erreurs (jusqu'à 1 unité de pH !)...